Lucienne Boutet, un lien filial
Parfois, l’aide des Justes a permis la survie de toute une famille. Plus souvent, seuls les enfants ont eu la vie sauve. En août 1944, 10 000 enfants juifs sont orphelins. 3 000 enfants sont transférés dans une cinquantaine de maisons ouvertes par les œuvres juives. Plus rarement, la ou le Juste a continué à prendre soin de son protégé.
En 1940, Jacques Karpman a 8 ans. Il habite 2 rue Vilin dans le 20e arrondissement avec sa mère Malta, son père Motek et sa sœur Suzanne, 13 ans. Motek est ébéniste-vernisseur. Engagé volontaire en 1939, il est arrêté en mai 1941 lors de la rafle dite du « billet vert » et déporté à Auschwitz le 5 juin 1942 par le convoi n°2. Malta et ses enfants, eux, sont arrêtés en avril 1942. Malta est déportée par le convoi n°32 du 14 septembre 1942 pour Auschwitz. Suzanne et Jacques sont finalement placés au centre de l’UGIF du 9 rue Guy Patin dans le 10e arrondissement, puis à la campagne dans des conditions difficiles.
Début 1943, adolescente, Suzanne décide alors de rentrer, seule, à Paris pour trouver un autre refuge. Elle contacte le docteur Boris Wechsler, médecin du centre Guy Patin, et sa femme Renée. Ceux-ci la prennent sous leur aile. Ensemble, ils cherchent un lieu d’accueil pour Jacques et sollicitent une de leurs amis, Lucienne Boutet qui est veuve de l’écrivain Frédéric Boutet. En décembre 1943, elle accueille Jacques chez elle, au 82 rue Vaneau dans le 7e arrondissement et le présente à son entourage comme son neveu. Muni de faux papiers, Jacques va à l’école. Malgré ses faibles moyens et grâce à l’aide de commerçants du quartier, Lucienne Boutet pourvoit ainsi du mieux possible aux besoins matériels et affectifs de Jacques qu’elle traite comme son fils.
Au début de l’été 1944, les époux Wechsler confient également leurs trois enfants et Suzanne à Lucienne qui les protège à leur tour, avec la complicité de la concierge de l’immeuble Madame Buy. Après la Libération, Lucienne accompagne régulièrement Suzanne et Jacques à l’hôtel Lutetia avec l’espoir de retrouver leurs parents, en vain. Jacques reste finalement vivre avec Lucienne Boutet jusqu’à la mort de cette dernière en 1953. En 1952, sentant sa fin arriver, celle-ci a adopté celui qui était comme son fils et Jacques devient Jacques Karpman-Boutet. Lucienne Boutet a été reconnue « Juste parmi les Nations » en 2006.