La famille Ferrari, le rôle central des amitiés enfantines

Pierre Ferrari

La famille Ferrari vit 41 rue des Martyrs dans le 19e arrondissement. Le père, Jean-Marie, est inspecteur des impôts. Lui et sa femme Marie ont deux enfants, Jeanne née en 1924 et Pierre né en 1926. Dans ce quartier de Paris où se mêlent des populations d’origines différentes, Pierre compte plusieurs enfants juifs parmi ses camarades du lycée Rollin (aujourd’hui lycée Jacques Decour). Dès les premières mesures antisémites, Jean-Marie indique à son fils que « si ses camarades ont besoin d’être secourus, la famille Ferrari les aidera ». Pierre prend son père au mot et promet de « casser la figure » de tous ceux qui se moqueront de ses amis portant l’étoile jaune.
Il y a parmi eux Maurice Pfeffer. Le jour de la rafle du Vel d’Hiv, les Ferrari recueillent la famille du jeune garçon avant leur départ pour Lyon. Pierre et Maurice sont aussi amis avec Emile Tenenboim. Emile vit avec son père, David, tailleur et apatride, sa mère Peson, de nationalité roumaine, et sa jeune sœur, Rosette, au 13 rue Saint-Lazare dans le 9e arrondissement. Le 24 septembre 1942, Peson est arrêtée. Elle est déportée dès le lendemain par le convoi n°37. Emile et Rosette, eux, sont français, ils ne sont pas sur les listes. Sur le chemin du lycée, Pierre Ferrari voit la mère de son ami sur la plate-forme de l’autobus. Elle lui crie : « occupez-vous de mes enfants ! ». Il rapporte cette rencontre à ses parents qui décident de chercher le père et les deux enfants pour les cacher chez eux. Rosette s’installe dans la chambre de Jeanne. Emile et son père sont, eux, installés dans la chambre de bonne de la famille au 6e étage. Les Ferrari aident aussi les Tenenboim à cacher des meubles chez eux. Leur appartement vide est mis sous scellés.
Par la suite, la situation devenant trop dangereuse, David Tenenboim sollicite Eugénie Cerclet. Maurice et le fils d’Eugénie s’étaient liés d’amitié pendant l’exode. Emile et sa sœur sont accueillis chez Eugénie à Janville-sur-Juine (Essonne). David reste lui à Paris cloitré chez Simone Nugyere, une relation de travail. Il y restera jusqu’à la Libération. En 1953, David épousera Simone qui adoptera Emile et Rosette.
Pierre Ferrari, Maurice et Emile ont un quatrième camarade : Daniel Rabinovitch. Sa famille et lui sont de nationalité britannique. Ils ne sont donc pas inquiétés au début de l’Occupation, mais en janvier 1944, la police française frappe à leur porte. Après discussion, l’inspecteur les laisse prendre la fuite. Daniel trouve à son tour refuge pendant plus d’un mois chez les Ferrari et dort dans la chambre de son ami avant d’être accepté dans une pension privée. Grâce à l’aide de la famille Ferrari, les quatre camarades du lycée Rollin ont poursuivi leur amitié après la guerre. Pierre, Jean et Marie Ferrari ont été reconnus « Justes parmi les Nations » en 2002, deux ans avant Simone Nugyere et Eugénie Cerclet.